Nous vivons une période d’extraordinaires bouleversements engendrés par les progrès technologiques autant que par les contraintes écologiques ou démographiques. Si nous connaissons un peu le monde que nous quittons, nous ignorons notre destination. Economistes et philosophes parlent de transition (écologique, numérique, démographique, politique…) sans préciser clairement vers où transiter. Les évolutions induites dans les modes de consommation, les comportements ou la réglementation imposent aux entreprises de s’adapter très rapidement, sans avoir le temps de comprendre à quoi s’adapter. Il est ainsi devenu vital de modifier simultanément les modes de pensée, les stratégies, la gouvernance et l’organisation pour percevoir et suivre le changement et anticiper l’avenir. Dans le même temps, les parties prenantes exigent davantage de sens et de responsabilité de la part de l’entreprise. Les outils classiques ne répondent plus à ces enjeux, car ils traitent chaque problème indépendamment sans prendre en compte leurs interrelations. Seule une démarche spatiotemporelle globale et transversale correspondra à l’ampleur des changements en cours. Il ne s’agit pas tant de conduite du changement que de capacité à accompagner le changement. Les innovations sont ainsi davantage sociales que technologiques, pour se placer dans une attitude de réponse positive aux évolutions. Nul ne se suffit à lui-même, et les enjeux sont communs : c’est pour cela que la RSE ne peut être que partagée et coconstruite sur des territoires de vie et d’humanité.
La vie est le plus bel exemple d’adaptation systémique, ayant réussi toutes ses mutations depuis quatre milliards d’années en fonction des contraintes, ce qui l’a parfois amené à modifier radicalement ses modes d’organisation. Elle a toujours maintenu un facteur clé de succès : la relation dans la diversité.
La Révolution Systémique Territoriale et Bioinspirée (RSTB) s’inspire de ces quatre milliards d’années d’expérience et des formes de vie d’aujourd’hui pour un nouveau paradigme afin de penser différemment le futur des entreprises : la vie est un chemin vers l’avenir.
En s’appuyant sur la dynamique et la richesse des systèmes vivants, les entreprises sont amenées à placer leur Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) au centre de leur stratégie, en symbiose forte avec leur territoire d’accueil. Elles répondent ainsi autant à l’impérieuse nécessité d’adaptation aux changements globaux qu’aux contraintes réglementaires, mais surtout à la demande de sens et de valeur exigés par les parties prenantes, en particulier les clients et les collaborateurs. La résilience du territoire est l’indicateur majeur de la RSTB. Elle cherche à répondre à la question suivante : « Le territoire peut-il conserver l’état d’équilibre qui est favorable à l’ensemble de ses habitants humains et non-humains ? » La RSTB ne cherche pas à réduire les « impacts sur l’environnement » mais à optimiser les relations bénéfiques pour les entreprises et les territoires.
L’aventure est humaine avant d’être écologique ou technique, car c’est bien notre anthropologie qui est interrogée brutalement par l’évolution du monde, dans notre relation avec les autres, humains et non-humains. Il ne s’agit pas de s’adapter pour survivre, mais pour vivre dans le respect et la dignité.
S’inspirer des systèmes vivants pour réintégrer les cycles de la vie est une approche optimiste qui touche le cœur de l’organisation, pour rayonner sur des territoires de vie et d’humanité coconstruits au service du bien commun.
Un objectif territorial : une économie vivante
Constat
Depuis toujours, l’être humain a développé son économie en bénéficiant de la richesse des systèmes vivants qui lui assurent sa sécurité, en particulier alimentaire, et son bien-être. Pourtant, l’économie moderne s’en est peu à peu éloignée et a privilégié un système dont la finalité est l’individualisme au détriment du Bien commun : c’est l’économie financière dont le moteur est la maximisation du profit personnel, pour les entreprises comme les individus consommateurs. Nous constatons simplement que nous sommes au bout de cette expérience. En effet, bien que ce modèle ait apporté une certaine prospérité à une partie de l’humanité, il est maintenant dans une impasse, car il ne peut plus résoudre les problèmes qu’il engendre. Il est en fait une distorsion conceptuelle de l’économie dont la finalité doit revenir à son sens étymologique : oïkos-nomos en grec ancien, c’est-à-dire la gestion de la maison commune.
Une réponse bio-inspirée
L’économie vivante propose une voie d’avenir afin de poursuivre le progrès en associant nos technologies, notre savoir-faire et notre industrie avec les systèmes vivants. Recommençons à observer la vie pour la comprendre, nous en inspirer, innover et surtout nous intégrer dans son fonctionnement. Les principes sont constants depuis des milliards d’années : coopérer dans la diversité pour garantir la créativité, l’efficacité et la capacité d’adaptation. L’objectif est bien économique : retrouver une nouvelle voie de création de valeurs.
Définition de l’économie vivante
L’économie vivante s’inspire du fonctionnement des systèmes vivants pour maximiser les relations et la diversité. Son objectif est la co-création de valeur avec les systèmes vivants pour la production de Bien et de Service, par les échanges de biens et de services, et la juste répartition de la valeur créée. Elle est en concurrence avec l’économie financière dont l’objectif est simplement la maximisation du profit pour chaque agent économique. Le terme de co-création reconnaît que l’homme ne crée jamais seul, mais c’est bien le principe de relation dans la diversité propre aux systèmes vivants qui permet la création de valeur. Cette co-création est réalisée entre les hommes et femmes d’une même communauté (entreprise, association, autres organisations informelles…) toujours en lien et relation avec les systèmes vivants du territoire. La valeur créée n’est pas simplement fiduciaire, mais englobe toutes les valeurs, à commencer par les valeurs humaines. La juste répartition de la valeur créée répond à la notion de co-création, en appelant à l’équité, en particulier en faveur du bien commun.
Un objectif pour l’entreprise : la pérennité par la résilience
Le fonctionnement de l’économie financière basée sur la maximisation du profit pour chaque acteur entraîne mécaniquement une compétition permanente pour la survie. La pérennité de l’entreprise et de son capital humain n’est jamais garantie par les points de croissance gagnés, qui ne servent que le court terme. En s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes, la RSTB veut donner des outils à l’entreprise pour une vie sur le long terme, grâce aux qualités qui sont propres aux organismes vivants : adaptabilité, efficience, créativité, coopération afin d’assurer leur résilience. Ces caractéristiques sont assurées par les deux principes fondamentaux des systèmes vivants : la relation dans la diversité.
Au-delà de la pérennité de l’entreprise, la RSTB est au service de l’ensemble des parties prenantes en développant des compétences humaines qui donnent un sens à l’engagement de chacun et restaure la confiance dans les relations établies dans un but commun.
Une méthode évolutive appuyée sur l’expérience
La RSTB recherchera d’abord les équilibres et la collaboration, avant la réduction des impacts et des pressions. Elle s’appuie sur le principe de subsidiarité, pour développer l’initiative aux plus petits niveaux : l’initiative doit partir du terrain, être validée par l’expérience au sein de l’entreprise, pour être étendue naturellement au territoire. Elle recherche ainsi à développer une intelligence collective de territoire autour de la destination universelle des services produits par les systèmes vivants. Les plans d’actions s’adaptent donc progressivement et ne peuvent être ni figés ni déterminés.
Le fonctionnement de la RSTB sera donc avant tout basé sur des outils de gouvernances internes et externes qui seront en mesure d’entraîner le maximum d’acteurs, publics et privés, entreprises, association ou particuliers.
Une démarche ambitieuse mais réaliste
L’ampleur des enjeux et les attentes de la société appellent des changements radicaux. La crédibilité de la démarche repose sur une vision très ambitieuse de ce que pourraient être des entreprises responsables intégrées dans les systèmes vivants du territoire. La prudence exige une mise en œuvre progressive et itérative des actions de changement, mais la détermination doit rester constante, fixée sur des objectifs fermes. Le changement de société ne doit plus attendre et il ne peut plus s’agir de méthodes d’adaptation à la marge d’un système fatigué, mais bien d’engager un changement de paradigme.
Il s’agira d’action et de comportements innovants, et donc inédits et sans doute surprenants, qui demanderont des efforts et générera très certainement de l’inconfort. On ne peut changer de système sans changer le mode de pensée qui a engendré ce système. Cela signifie l’audace, et l’acceptation des erreurs pour élaborer un modèle robuste, éprouvé par l’expérience.
Une telle ambition peut paraître idéaliste, voire utopique, mais l’utopie consiste surtout à s’imaginer que nos systèmes peuvent rester en équilibre durablement alors que les systèmes vivants se déséquilibrent. L’inaction engendrera un coût bien supérieur aux investissements pour la transition.
Malgré l’ampleur des enjeux et des menaces, cette aventure est aujourd’hui possible par la quête de sens que porte chaque acteur du territoire, qui trouvera satisfaction dans l’engagement pour le bien commun, les relations humaines, l’altruisme et la partage d’une vision commune.
Changer de regard pour changer de modes de vie
Nous avons oublié que nous sommes des êtres vivants, et comme tels dépendants et solidaires de l’existence des autres êtres vivants. Pour retourner dans notre maison commune, la biosphère, en conservant nos acquis technologiques, nous devons réintégrer la dynamique de la vie et retrouver un équilibre systémique. Redevenir des êtres vivants nécessite un changement radical du regard, des modes de pensée et d’organisation. Nous pourrions être tentés de nous mettre en mouvement immédiatement sur des actions opérationnelles, mais sans une approche systémique du territoire basée sur la matrice des systèmes vivants, nous risquons de poursuivre une quête sans fin où les dernières innovations technologiques censées résoudre les problèmes engendrent de nouveaux problèmes. L’inspiration des systèmes vivants est un livre pour sortir d’un modèle économique fatigué, basé sur la prédation.
C’est bien le partage d’une vision commune de l’avenir, nouvelle et positive, appuyée sur les racines de la vie, qui générera une communauté dynamique et ouverte, d’acteurs mobilisés dans une même direction. L’essentiel de la méthode de RSTB consistera donc à fédérer ce mouvement par des outils de gouvernance originaux, à la fois au cœur des entreprises et sur le territoire.
Même si des actions concrètes et symboliques seront mises en œuvre rapidement, qui permettront surtout de motiver les acteurs, l’essentiel de la manœuvre se développera naturellement par la compréhension progressive mais profonde de l’alliance avec les systèmes vivants, qui engendrera les changements de modes de vie indispensables pour le partage des biens de la terre.
Le plus difficile pour notre société est en effet d’abandonner le confort des modes de vie permis par l’illusion technocratique, qui nous suppose indépendants de notre réalité d’êtres vivants. Le changement de regard nous convaincra que des modes de vie différents ne sont pas une régression, mais sans doute la voie vers une existence plus harmonieuse. De plus, la question n’est plus tant de savoir s’il faut changer, car des bouleversements majeurs sont déjà en cours (climat, ressources, démographie, migration, technologie…), mais plutôt de décider ce qu’il y aura après ces changements. Nous avons donc le choix de conduire et d’accompagner l’adaptation, ou bien de la subir. Nous sommes bien à l’heure du choix, vers plusieurs directions, mais toutes ne proposent pas les mêmes équilibres de vie.
La force du mouvement commun sera assurée à la fois par cette vision partagée de la vie et de l’avenir, mais surtout par des valeurs humaines sans lesquelles aucune société ne peut se construire : altruisme, coopération, respect, loyauté, courage… Les outils de gouvernance ont bien pour objectif de relier les hommes malgré les différences, en les unissant par le respect du bien commun. Il ne faut pas nier ou minimiser les efforts qui seront nécessaires pour construire ces nouveaux modèles, et la solidarité est le seul moyen de franchir les barrières psychologiques qui nous contiennent dans des habitudes que nous savons pourtant mortifères.
La RSTB est résolument positive et consiste avant tout à se projeter vers l’espérance d’une terre lumineuse plutôt que d’agir par la peur d’une terre sombre. Cette vision positive de l’avenir sera le principal moteur d’entraînement pour mobiliser d’autres acteurs sur le territoire.
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